LA CHAUSSURE DE JOGGING.
J.DEVICO - Podologue / Sucy-en-Brie (94)
Toute chaussure de sport devrait répondre à trois objectifs:
1- Protéger le pied sans l'agresser.
2-
Favoriser le geste sportif pour optimiser la performance.
3-
Aider à la prévention des divers incidents ou accidents ostéo-tendineux
du pied mais également des étages articulaires supérieurs

Si les chaussures de course actuelles répondent bien au premier point, force est de constater que sur les deux autres objectifs il existe incontestablement de graves lacunes.
Certains modèles, non seulement, ne remplissent pas ces deux dernières missions, mais font
tout le contraire de ce pourquoi elles ont été conçues !

En effet, lorsqu'un coureur se retrouve en hyper-pronation en raison d'une semelle trop molle, toute la mécanique du déroulement du pas de course se trouve perturbée, le geste sportif ne peut alors véritablement être au mieux de ses possibilités, et ce déséquilibre du pied ouvre la porte à des contraintes ostéo-tendineuses multiples.


1) L'amortissement excessif .. voilà bien le coupable
Certes je vais bousculer les idées traditionnellement reçues sur ce sujet, mais je persiste à dire que certains concepts à l'amortissement excessif sont générateurs de blessures alors qu'ils sont conçus justement pour les éviter.

Il est vrai que des études sérieuses ont montré que les forces qui s'appliquent à l'instant de la prise de contact au sol sont égales à environ
3 fois le poids du sujet. Chacun peut faire 'expérience de courir pieds nus sur du macadam : c'est éprouvant. A partir de ces constatations tous les observateurs ce sont donc engouffrés dans cette brèche en criant : "DANGER !
les micro-traumatismes sont à l'origine de la grande majorité des ennuis du coureur à pied".

Comme notre société de consommation montre un appétit immodéré pour les produits de haute technologie, alors chaque coureur achète de l'air, du gel, des micro-billes, du vide, de l'ultra-léger, des alvéoles en nid d'abeille ... que sais-je encore, pour se protéger le plus possible de ces "ondes bio-négatives maléfiques."

La science a dit: "
Les micro-traumatismes sont dangereux pour vos articulations ! " La publicité a répondu : " Ne craignez plus rien j'ai la solution miracle pour vous protéger ! " Alors débute pour le coureur l'obsession de l'amortissement.

Qu'il souffre un jour d'une douleur en courant, la conclusion s'imposera d'elle même : " mes chaussures n'amortissent pas assez ! " Il investit alors dans le dernier must des concepts, hors de prix d'ailleurs (mais quand on court on ne compte pas), et plus il amortit, plus il souffre ! C'est le serpent qui cherche à se mordre la queue !

Alors qu'est ce qui peut bien expliquer cette aggravation des douleurs ?
La réponse est fort simple : «
les chaussures à fort amorti sont de véritables éponges sous le talon ». A cet endroit, incapables de contenir la poussée du pied, elles s'effondrent
littéralement à chaque appui,
entraînant une forte pronation. Or la pronation excessive est bien plus dangereuse à terme qu'un manque d'amortissement !

Illustrons ce propos par un exemple simple. Tout le monde connaît ces structures gonflables que l'on voit l'été sur les plages, en forme de maisons ou châteaux multicolores sur lesquelles les enfants sautent, jouent et courent en rebondissant sur des boudins en caoutchouc gonflés d'air. Courir dessus est très difficile, l'hyper-amortissement de cette surface est tel, que le pied s'enfonce et se tord en tous sens. Toutes proportions gardées, une semelle intercalaire trop molle aura le même effet déstabilisant. Clicquez pour voir le clip vidéo

Pour corroborer cette analyse je voudrais faire mention d'une étude statistique réalisée à Chicago en 1989 par le Pr. Marti, et qui me parait très éloquente. Il a constaté qu'il existait, dans une population de coureurs à pied, une relation inverse entre la fréquence des blessures et… le prix payé pour les chaussures !
Surprenant résultat n'est ce pas !

Les chaussures bon marché, par définition, ne bénéficient pas de tous ces systèmes sophistiqués d'amortissement, et ce qu'elles perdent de ce côté est tout bénéfice pour la stabilité du pied.

Encore un argument en faveur de la stabilité du pied : certains coureurs ont pu constater à leurs dépens, l'apparition de blessures
suite à un changement de chaussures. L'analyse comparative entre les anciennes chaussures et les nouvelles montrent que ces dernières sont génératrices de pronation ou d'hyper-pronation. Le retour à un semelage moins amortissant mais plus ferme et donc plus stable, entraîne la disparition des troubles.

2) Quelle chaussure pour bien courir ?

Si l'intensité de la collision plantaire avec le sol est violente, on sait que ce pic est en réalité
extrêmement bref et qu'il correspond à l'attaque du pas en postéro-externe.
La chaussure idéale doit donc amortir
uniquement sur sa partie postéro-externe.

Passé ce redoutable instant de violence, le pied continue sa progression et prépare l’atterrissage de l'avant-pied. La ligne de charge se déplace de l'extérieur vers l'intérieur, et tout l'effort s'exerce sur la partie postéro- interne de la semelle intercalaire. (fig. 1)
A ce stade il ne faut plus amortir, il faut stabiliser et ne pas amplifier la pronation physiologique.

Les études vidéo au ralenti (voir clip) montrent particulièrement bien ce phénomène, de façon bien plus pertinente que les études de laboratoires où le pied est remplacé par un modèle mécanique qui ne pourra jamais refléter exactement la réalité du comportement humain.

Clip vidéo en streaming montrant le rôle néfaste d'une semelle intercalaire trop molle: Cliquez içi (VLC nécessaire).

La chaussure idéale doit donc présenter une semelle intercalaire très ferme sous le talon dans sa partie postéro-interne. En résumé, le talon de cette chaussure doit être souple en dehors, ferme en dedans. ( fig.2 )
Il ne faut pas non plus oublier la biomécanique du membre inférieur qui, en se déformant par une triple flexion progressive de ses articulations principales (tibio-tarsienne, genou, hanche), va ainsi,
absorber et participer activement à l'amortissement du choc de contact. Votre membre inférieur se comporte exactement comme la fourche télescopique d'un deux roues : la déformation de ce ressort absorbe le choc. Votre membre inférieur est tout le contraire d'un levier rigide et indéformable

.Voici en ce qui concerne la semelle intercalaire, lieu de tous les débordements publicitaires. Il est d'ailleurs amusant de remarquer que certains concepts ont réussi à résoudre le problème de la quadrature du cercle, puisqu'ils proposent à la fois un maximum de stabilité et d'amortissement. Hors ces deux notions sont contradictoires !…


3) Axes droits ou axes courbes ? (fig.3 )

Une chaussure est dite à axe droit lorsque sa semelle est très large au niveau du médio pied, à l'inverse d'un axe courbe qui est plus ou moins évidé à ce même endroit. La conséquence sur la stabilité du pied est immédiate et relève d'un principe élémentaire de physique : plus l'assise est large, plus elle est stable.

En conséquence, une large semelle à axe droit, offrira un contre-appui stable au niveau du médio-pied, et limitera la bascule en pronation. C'est un modèle à conseiller
impérativement aux hyper-pronateurs, mais également aux pieds normaux, à fortiori si le sujet est lourd.

A l'inverse un axe courbe est une chaussure déséquilibrée basculant plus facilement en pronation. Elle doit donc être réservée aux
très rares sportifs qui restent supinateurs à la course. Les oureurs à pieds normaux les éviteront, car le risque de voir apparaître une pronation n'est pas négligeable, surtout si cet axe courbe est combiné avec une semelle molle.

Enfin, pour conclure, il faut savoir que les chaussures dites anti-pronation ou anti-supination ne peuvent pas tout régler dans tous les cas. Leur but n'est pas de corriger le défaut morphologique mais d'empêcher son aggravation, et permettre à une éventuelle semelle orthopédique de
correction, d'exercer pleinement son action.

4) Modèles pour pronateurs .

Les modèles pour pronateurs sont renforcés sous le talon dans sa partie interne, et la semelle intercalaire à ce niveau est très ferme.

Il peut s'agir de semelles intercalaires bi-densité: un matériau peu compressible (polyuréthane ou P.U.) reconnaissable généralement à sa couleur grise, renforce le talon, le reste de la semelle est plus souple (E.V.A. expansé) identifiable à sa couleur blanche. ( fig.2 )

Le fin du fin en la matière consiste toutefois à renforcer cette partie de la semelle par une pièce rigide en résine indéformable. Les appellations commerciales sont variables d'une marque à l'autre, et c'est sans doute le système le plus efficace. ( fig 4 a et b )

En résumé: pour les pronateurs ou hyper-pronateurs il faut retenir deux critères de choix:

Pour les coureurs "dits universels" c'est à dire normaux, rien ne s'oppose, surtout si vous êtes lourd, à ce que vous utilisiez de tels modèles renforcés: vous êtes surs d'avoir une excellente stabilité.

Fig.2 : La chaussure idéale:
souple en dehors - ferme en dedans.
Fig.1
Fig.3
Fig.4 a et b
Clip vidéo montrant le rôle néfaste d'une semelle intercalaire trop molle:
cliquez sur la caméra: (VLC nécessaire)

 


.